Cyclisme: UN LIEUTENANT AU SOMMET DU GÉNÉRAL

Depuis 2019, il est de tous les sacres de la Jumbo-Vismaa et de ses deux leaders Primoz Roglič (triple vainqueur de la Vuelta entre 2019 et 2021 et vainqueur du Giro 2023) et Jonas Vingegaard (double vainqueur du Tour de France en 2022 et 2023). Cette fois ce fut son (T)tour. À 29 ans Sepp Kuss remporte la Vuelta 2023 et signe la plus belle victoire de sa carrière.

Pourtant l’américain ne faisait pas partie des favoris sur la ligne de départ à la fin du mois d’août. Arrivé comme équipier de luxe à Barcelone, il devait être celui qui épaulerait Roglič ou Vingegaard dans la montagne face au vainqueur sortant le Belge Remco Evenepoel et permettre ainsi à la formation néerlandaise de réaliser un triplé inédit en remportant les trois grands tours la même année.

Vainqueur de la sixième étape Sepp Kuss s’empare du maillot rouge de leader deux jours plus tard en le dépossédant du jeune français Lenny Martinez (20ans!) qui disputait là son premier grand tour. S’il n’est pas rare de voir des équipiers prendre la tête du classement général en début d’épreuve pour faire diminuer la pression sur les épaules de leur(s) leader), la conserver l’est beaucoup plus. Mais le scénario écrit au départ de Barcelone va voler en éclat sur les pentes du Tourmalet lors de la treizième étape. Dans le col pyrénéen, Evenepoel vit « sa pire journée sur un vélo » et termine à 27 minutes de Vingegaard vainqueur de l’étape devant Kuss et Roglič. Ces trois coureurs se retrouvent alors au sommet du classement général (Kuss-Roglič-Vingegaard) et presque sans adversaire à leur mesure.

Dès lors quelle stratégie adoptée pour la Jumbo-Vismaa? Laisser ses trois leaders se disputer la victoire finale à la pédale, attendre que l’un d’entre eux craque et qu’une hiérarchie se mette en place d’elle-même ou désigner un leader quitte à froisser les deux autres? Ce sera un peu des trois! Dans la seizième étape Vingegaard s’envole et lève les bras avec plus d’une minute d’avance sur ses coéquipiers. Le lendemain, il finit dans la roue de Roglič (vainqueur) et vingt secondes devant Kuss. Au soir de la dix-septième étape, le maillot rouge compte huit petites secondes d’avance sur le Danois et une minute supplémentaire sur le Slovène. Sentant peut-être venir une guerre d’ego ou une polémique sur l’ingratitude envers un équipier modèle si Kuss ne ramène pas le maillot rouge de leader à Madrid, la direction de l’équipe siffle la fin de la partie et entérine (en interne) la victoire du natif de Durango (Colorado). Dans les quatre dernières étapes, Roglič et Vingegaard se mettent définitivement au service de leur leader et Kuss devient le deuxième américain (après la victoire de Christopher Horner en 2013) à remporter le Tour d’Espagne.